Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
WIELAND

en opposition avec sa philosophie. Ce désaccord peut lui nuire comme écrivain, mais rend sa société très-piquante : il est animé, enthousiaste, et comme tous les hommes de génie, jeune encore dans sa vieillesse ; et cependant il veut être sceptique, et s’impatiente quand on se sert de sa belle imagination, même pour le porter à la croyance. Naturellement bienveillant, il est néanmoins susceptible d’humeur ; quelquefois parce qu’il n’est pas content de lui, quelquefois parce qu’il n’est pas content des autres : il n’est pas content de lui, parce qu’il voudroit arriver à un degré de perfection dans la manière d’exprimer ses pensées, à laquelle les choses et les mots ne se prêtent pas ; il ne veut pas s’en tenir à ces à-peu-près qui conviennent mieux à l’art de causer que la perfection même : il est quelquefois mécontent des autres, parce que sa doctrine un peu relâchée et ses sentiments exaltés ne sont pas faciles à concilier ensemble. Il y a en lui un poëte allemand, et un philosophe français qui se fâchent alternativement l’un pour l’autre, mais ses colères cependant sont très-douces à supporter ; et sa conversation, remplie d’idées et de connoissances, serviroit de fonds à l’entretien de beaucoup d’hommes d’esprit en divers genres.