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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

secrets à la grâce, du moins à celle que donne la nature.

Combien un tel homme étoit loin de l’envie, de l’égoïsme, des fureurs de vanité, dont plusieurs écrivains se sont excusés au nom de leurs talents ! S’ils en avoient eu davantage, aucun de ces défauts ne les auroit agités. On est orgueilleux, irritable, étonné de soi-même, quand un peu d’esprit vient se mêler à la médiocrité du caractère ; mais le vrai génie inspire de la reconnoissance et de la modestie : car on sent qui l’a donné, et l’on sent aussi quelles bornes celui qui l’a donné y a mises.

On trouve, dans la seconde partie de la Messiade, un très-beau morceau sur la mort de Marie, sœur de Marthe et de Lazare, et désignée dans l’évangile comme l’image de la vertu contemplative. Lazare, qui a reçu de Jésus-Christ une seconde fois la vie, dit adieu à sa sœur avec un mélange de douleur et de confiance profondément sensible. Klopstock a fait des derniers moments de Marie le tableau de la mort du juste. Lorsqu’à son tour il étoit aussi sur son lit de mort, il répétoit d’une voix expirante ses vers sur Marie, il se les rappeloit à travers les ombres du cercueil, et les prononçoit tout bas pour s’ex-