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DES POÈMES ALLEMANDS

Huon est envoyé en Palestine, par suite de diverses aventures, pour demander en mariage la fille du sultan, et quand le son du cor singulier qu’il possède met en danse tous les personnages les plus graves qui s’opposent au mariage, on ne se lasse point de cet effet comique, habilement répété ; et mieux le poëte a su peindre le sérieux pédantesque des imans et des visirs de la cour du sultan, plus leur danse involontaire amuse les lecteurs. Quand Obéron emporte sur un char ailé les deux amants dans les airs, l’effroi de ce prodige est dissipé par la sécurité que l’amour leur inspire. « En vain la terre, dit le poëte, disparoit à leurs yeux ; en vain la nuit couvre l’atmosphère de ses ailes obscures ; une lumière céleste rayonne dans leurs regards pleins de tendresse : leur âme se réfléchit l’une dans l’autre ; la nuit n’est pas la nuit pour eux ; l’Elysée les entoure ; le soleil éclaire le fond de leur cœur ; et l’amour, à chaque instant, leur fait voir des objets toujours délicieux et toujours nouveaux. »

La sensibilité ne s’allie guère en général avec le merveilleux : il y a quelque chose de si sérieux dans les affections de l’âme, qu’on n’aime pas à les voir compromises au milieu des jeux de l’ima-