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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

blement en contraste avec la grandeur imposante de son héros et du sort qui le poursuit ; tandis que, quand il s’agit d’un pasteur de campagne et de la très-bonne ménagère sa femme, qui marient leur fille à celui qu’elle aime, la simplicité a moins de mérite. L’on admire beaucoup en Allemagne les descriptions qui se trouvent dans la Louise de Voss, sur la manière de faire le café, d’allumer la pipe ; ces détails sont présentés avec beaucoup de talent et de vérité ; c’est un tableau flamand très-bien fait : mais il me semble qu’on peut difficilement introduire dans nos poèmes, comme dans ceux des anciens, les usages communs de la vie : ces usages chez nous ne sont pas poétiques, et notre civilisation a quelque chose de bourgeois. Les anciens vivoient toujours à l’air, toujours en rapport avec la nature, et leur manière d’exister étoit champêtre, mais jamais vulgaire.

Les Allemands mettent trop peu d’importance au sujet d’un poème, et croient que tout consiste dans la manière dont il est traité. D’abord la forme donnée par la poésie ne se transporte presque jamais dans une langue étrangère, et la réputation européenne n’est cependant pas à dédaigner ; d’ailleurs le souvenir des détails les plus intéressants s’efface quand il n’est point rattaché