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DE LA POÈSIE ALLEMANDE

brames. Le dieu la reçoit dans ses bras ; il s élance hors des flammes et porte au ciel l’objet de sa tendresse qu’il a rendu digne de son choix.

Zelter, un musicien original, a mis sur cette romance un air tour à tour voluptueux et solennel qui s’accorde singulièrement bien avec les paroles. Quand on l’entend, on se croit au milieu de l’Inde et de ses merveilles ; et qu’on ne dise pas qu’une romance est un poëme trop court pour produire un tel effet. Les premières notes d’un air, les premiers vers d’un poème transportent l’imagination dans la contrée et dans le siècle qu’on veut peindre ; mais si quelques mots ont cette puissance, quelques mots aussi peuvent détruire l’enchantement. Les sorciers jadis faisoient ou empêchoient les prodiges, à l’aide de quelques paroles magnifiques. Il en est de même du poète ; il peut évoquer le passé, ou faire reparoitre le présent selon qu’il se sert d’expressions conformes ou non au temps ou au pays qu’il chante, selon qu’il observe ou néglige les couleurs locales et ces petites circonstances ingénieusement inventées qui exercent l’esprit, dans la fiction comme dans la réalité, à découvrir la vérité sans qu’on vous la dise.

Une autre romance de Goethe produit un effet