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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

vite, les morts vont vite, Lenore lui répond : Ah ! laisse en paix les morts ! Mais toutes les fois qu’elle lui adresse des questions inquiètes, il lui répète les mêmes paroles funestes.

En approchant de l’église où il la menoit, disoit-il, pour s’unir avec elle, l’hiver et les frimas semblent changer la nature elle-même en un affreux présage : des prêtres portent en pompe un cercueil, et leur robe noire traîne lentement sur la neige, linceul de la terre ; L’effroi de la jeune fille augmente, et toujours son amant la rassure avec un mélange d’ironie et d’insouciance qui fait frémir. Tout ce qu’il dit est prononcé avec une précipitation monotone, comme si déjà, dans son langage, l’on ne sentoit plus l’accent de la vie ; il lui promet de la conduire dans la demeure étroite et silencieuse où leurs noces doivent s’accomplir. On voit de loin le cimetière à côté de la porte de l’église : le chevalier frappe à cette porte, elle s’ouvre ; il s’y précipite avec son cheval, qu’il fait passer au milieu de$ pierres funéraires ; alors le chevalier perd par degrés l’apparence d’un être vivant ; il se change en squelette, et la terre s’entr’ouvre pour engloutir sa maîtresse et lui.

Je ne me suis assurément pas flattée de faire connoître, par ce récit abrégé, le mérite étonnant