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DE LA POÈSIE ALLEMANDE

blanc, parle encore : le mauvais génie, sous celle du chevalier noir, triomphe ; le chasseur tue l’ermite, et tout à coup il est changé en fantôme, et sa propre meute veut le dévorer. Une superstition populaire a donné lieu à cette romance : l’on prétend qu’à minuit, dans de certaines saisons de l’année, on voit, au-dessus de la forêt où cet événement doit s’être passé, un chasseur dans les nuages poursuivi jusqu’au jour par ses chiens furieux.

Ce qu’il y a de vraiment beau dans cette poésie de Bürger, c’est la peinture de l’ardente volonté du chasseur : elle étoit d’abord innocente comme toutes les facultés de l’âme ; mais elle se déprave toujours de plus en plus, chaque fois qu’il résiste à sa conscience et cède à ses passions. Il n’avoit d’abord que l’enivrement de la force ; il arrive enfin à celui du crime, et la terre ne peut plus le porter. Les bons et les mauvais penchants de l’homme sont très-bien caractérisés par les deux chevaliers blanc et noir : les mots, toujours les mêmes, que le chevalier blanc prononce pour arrêter le chasseur, sont aussi très-ingénieusement combinés. Les anciens et les poëtes du moyen âge ont parfaiternent connu l’effroi que cause, dans de certaines circonstances,