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DE L’ALLEMAGNE

n’aiment pas à sortir. Cette atmosphère nuit à l’activité, qui est au moins aussi nécessaire à la guerre que le courage ; les résolutions sont lentes, le découragement est facile, parce qu’une existence d’ordinaire assez triste ne donne pas beaucoup de confiance dans la fortune. L’habitude d’une manière d’être paisible et réglée prépare si mal aux chances multipliées du hasard, qu’on se soumet plus volontiers à la mort qui vient avec méthode qu’à la vie aventureuse.

La démarcation des classes, beaucoup plus positive en Allemagne qu’elle ne l’étoit en France, devoit anéantir l’esprit militaire parmi les bourgeois : cette démarcation n’a dans le fait rien d’offensant ; car, je le répète, la bonhomie se mêle à tout en Allemagne, même à l’orgueil aristocratique ; et les différences de rang se réduisent à quelques priviléges de cour, à quelques assemblées qui ne donnent pas assez de plaisir pour mériter de grands regrets. Rien n’est amer, dans quelque rapport que ce puisse être, lorsque la société, et par elle le ridicule, a peu de puissance. Les hommes ne peuvent se faire un véritable mal à l’âme que par la fausseté ou la moquerie : dans un pays sérieux et vrai, il y a toujours de la justice et du bonheur. Mais la barrière qui séparoit, en Alle-