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LES FEMMES

une religion poétique qui tolère trop volontiers tout ce que la sensibilité peut excuser. On ne sauroit le nier, la facilité du divorce dans les provinces protestantes porte atteinte à la sainteté du mariage. On y change aussi paisiblement d’époux que s’il s’agissait d’arranger les incidents d’un drame, le bon naturel des hommes et des femmes fait qu’on ne mêle point d’amertume à ces faciles ruptures ; et comme il y a chez les Allemands plus d’imagination que de vraie passion, les événements les plus bizarres s’y passent avec une tranquillité singulière ; cependant c’est ainsi que les mœurs et le caractère perdent toute consistance ; l’esprit paradoxal ébranle les institutions les plus sacrées, et l’on n’y a sur aucun sujet des règles assez fixes.

On peut se moquer avec raison des ridicules de quelques femmes allemandes qui s’exaltent sans cesse jusqu’à l’affectation, et dont les doucereuses expressions effacent tout ce que l’esprit et le caractère peuvent avoir de piquant et de prononcé ; elles ne sont pas franches, sans pourtant être fausses ; seulement elles ne voient ni ne jugent rien avec vérité, et les événements réels passent devant leurs yeux comme de la fantasmagorie. Quand il leur arrive d’être légères, elles conservent encore la teinte de sentimentalité qui est en