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LA CHEVALERIE

enthousiasme s’affoiblit quand il n’y eut plus de patrie, et peu de siècles après la chevalerie lui succéda. La chevalerie consistoit dans la défense du foible, dans la loyauté des combats, dans le mépris de la ruse, dans cette charité chrétienne qui cherchait à mêler l’humanité même à la guerre, dans tous les sentiments enfin qui substituèrent le culte de l’honneur à l’esprit féroce des armes. C’est dans le nord que la chevalerie a pris naissance, mais c’est dans le midi de la France qu’elle s’est embellie par le charme de la poésie et de l’amour. Les Germains avoient de tout temps respecté les femmes, mais ce furent les Français qui cherchèrent à leur plaire ; les Allemands avoient aussi leurs chanteurs d’amour (Minnesinger), mais rien ne peut être comparé à nos trouvères et à nos troubadours, et c’étoit peut-être à cette source que nous devions puiser une littérature vraiment nationale. L’esprit de la mythologie du nord avoit beaucoup plus de rapport que le paganisme des anciens Gaulois avec le christianisme, et néanmoins il n’est point de pays où les chrétiens aient été de plus nobles chevaliers, et les chevaliers de meilleurs chrétiens qu’en France.

Les croisades réunirent les gentilshommes de