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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

autour du roi auroient peut-être empêché qu’il ne fût détrôné. Mais, sans se perdre dans des suppositions qui peuvent toujours être contestées, il y a des devoirs inflexibles en politique comme en morale, et le premier de tous, c’est de ne jamais livrer son pays aux étrangers, lors même qu’ils s’offrent pour appuyer avec leurs armées le système qu’on regarde comme le meilleur. Un parti se croit le seul vertueux, le seul légitime ; un autre le seul national, le seul patriote : comment décider entre eux ? Étoit-ce un jugement de Dieu pour les François, que le triomphe des troupes étrangères ? Le jugement de Dieu, dit le proverbe, c’est la voix du peuple. Quand une guerre civile eût été nécessaire pour mesurer les forces et manifester la majorité, la nation en seroit devenue plus grande à ses propres yeux comme à ceux de ses rivaux. Les chefs de la Vendée inspirent mille fois plus de respect que ceux d’entre les François qui ont excité les diverses coalitions de l’Europe contre leur patrie. On ne sauroit triompher dans la guerre civile qu’à l’aide du courage, de l’énergie ou de la justice ; c’est aux facultés de l’âme qu’appartient le succès dans une telle lutte : mais, pour attirer les puissances étrangères dans son