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CONSIDÉRATIONS

et d’éprouver ainsi l’action de l’autorité sur ceux qui dépendent d’elle. Son cœur ne battoit pas pour le faible, et les artifices politiques, qu’on est convenu d’appeler machiavélisme, ne lui inspiroient pas tout le mépris qu’on devoit attendre d’un génie tel que le sien. Néanmoins, son admirable éloquence lui faisoit aimer les débats d’un gouvernement représentatif : il tenoit encore à la liberté par le talent, car il étoit ambitieux de convaincre, tandis que les hommes médiocres n’aspirent qu’à commander. Le ton sarcastique de ses discours étoit singulièrement adapté aux circonstances dans lesquelles il s’est trouvé ; lorsque toute l’aristocratie des sentimens et des principes triomphoit à l’aspect des excès populaires, l’énergique ironie de M. Pitt convenoit au patricien qui jette sur ses adversaires l’odieuse couleur de l’irréligion et de l’immoralité.

La clarté, la sincérité, la chaleur de M. Fox, pouvoient seules échapper à ces armes tranchantes. Il n’avoit point de mystère en politique, parce qu’il regardoit la publicité comme plus nécessaire encore dans les affaires des nations que dans tout autre rapport. Lors même qu’on n’étoit pas de son avis, on l’aimoit mieux que son adversaire ; et, quoique la force de l’ar-