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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

que phrase. Les filets meurtriers dont on enveloppoit de toutes parts les proscrits, ne leur ôtoient en rien l’admirable présence d’esprit qui seule peut faire valoir tous les talens de l’orateur.

M. de Condorcet, lorsqu’il fut mis hors la loi, écrivit sur la perfectibilité de l’esprit humain un livre qui contient sans doute des erreurs, mais dont le système général est inspiré par l’espoir du bonheur des hommes ; et il nourrissoit cet espoir sous la hache des bourreaux, dans le moment même où sa propre destinée étoit perdue sans ressource. Vingt-deux des députés républicains furent traduits devant le tribunal révolutionnaire, et leur courage ne se démentit pas un instant. Quand la sentence de mort leur fut prononcée, l’un d’entre eux, Valazé, tomba du siége qu’il occupoit ; un autre député, condamné comme lui, se trouvant à ses côtés, et croyant que son collègue avoit peur, le releva rudement avec des reproches ; il le releva mort. Valazé venoit de s’enfoncer un poignard dans le cœur, d’une main si ferme, qu’il ne respiroit plus une seconde après s’être frappé. Telle est cependant l’inflexibilité de l’esprit de parti, que ces hommes qui défendoient tout ce qu’il y avoit d’honnêtes