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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

tion ; et je croirois assez que, dans les commencemens de la révolution, il avoit adopté de bonne foi, sur l’égalité des fortunes aussi bien que sur celle des rangs, de certaines idées attrapées dans ses lectures, et dont son caractère envieux et méchant s’armoit avec plaisir. Mais il devint ambitieux lorsqu’il eut triomphé de son rival en démagogie, Danton, le Mirabeau de la populace. Ce dernier étoit plus spirituel que Robespierre, plus accessible à la pitié ; mais on le soupçonnoit avec raison de pouvoir être corrompu par l’argent, et cette faiblesse finit toujours par perdre les démagogues ; car le peuple ne peut souffrir ceux qui s’enrichissent : c’est un genre d’austérité dont rien ne sauroit l’engager à se départir.

Danton étoit un factieux, Robespierre un hypocrite ; Danton vouloit du plaisir, Robespierre seulement du pouvoir ; il envoyoit à l’échafaud les uns comme contre-révolutionnaires, les autres comme ultra-révolutionnaires. Il y avoit quelque chose de mystérieux dans sa façon d’être, qui faisoit planer une terreur inconnue au milieu de la terreur ostensible que le gouvernement proclamoit. Jamais il n’adopta les moyens de popularité généralement reçus alors : il n’étoit point mal vêtu ; au contraire, il por-