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CONSIDÉRATION

nuelle sur le sort du peuple, c’étoit aussi par des jeux de mots qu’on cherchoit à ridiculiser mes sentiments. Je voudrois bien en aimer d’autres que vous, lorsque vous m’abandonnez ; je voudrois bien le pouvoir, mais je n’ai pas cette consolation ; vos ennemis et les miens ont mis entre eux et moi une barrière que je ne chercherai jamais à rompre, et ils doivent me haïr toujours, puisqu’ils m’ont rendu responsable de leurs propres fautes. Ce n’est pas moi cependant qui les ai encouragés à jouir sans mesure de leur ancienne puissance, et ce n’est pas moi qui les ai rendus inflexibles, lorsqu’il falloit commencer à traiter avec la fortune. Ah ! s’ils n’étoient pas dans l’oppression, s’ils n’étoient pas malheureux, combien de reproches n’aurois-je pas à leur faire ! Aussi, quand je les défends encore dans leurs droits et leurs propriétés, ils ne croiront pas, je l’espére, que je songe un instant à les regarder. Je ne veux aujourd’hui ni d’eux ni de personne ; c’est de mes souvenirs, de mes pensées, que je cherche à vivre et à mourir. Quand je fixe mon attention sur la pureté des sentimens qui m’ont guidé, je ne trouve nulle part une association qui me convienne ; et, dans le besoin ce-