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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

poétique, au lieu de rester exposé aux commérages jacobins qui, sous leur forme populaire, ne sont pas moins adroits que ceux des cours.

Il n’y avoit point d’argent pour transporter une armée en Égypte ; et ce que Bonaparte fit surtout de condamnable, ce fut d’exciter le directoire à l’invasion de la Suisse, afin de s’emparer du trésor de Berne, que deux cents ans de sagesse et d’économie avoient amassé. La guerre avoit pour prétexte la situation du pays de Vaud. Il n’est pas douteux que le pays de Vaud n’eût le droit de réclamer une existence indépendante, et qu’il ne fasse très-bien maintenant de la conserver. Mais, si l’on a blâmé les émigrés de s’être réunis aux étrangers contre la France, le même principe ne doit-il pas s’appliquer aux Suisses qui invoquoient le terrible secours des François ? D’ailleurs il ne s’agissoit pas du pays de Vaud seul, dans une guerre qui devoit nécessairement compromettre l’indépendance de la Suisse entière. Cette cause me paraissoit si sacrée que je ne croyois point encore alors tout-à-fait impossible d’engager Bonaparte à la défendre. Dans toutes les circonstances de ma vie, les erreurs que j’ai commises en politique sont venues de l’idée que les hommes