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CONSIDÉRATIONS

de faire passer ses revers en Égypte pour des succès ; et, bien que son expédition n’eût d’autre résultat que la ruine de la flotte et la destruction d’une de nos plus belles armées, on l’appela le vainqueur de l’Orient.

Bonaparte, s’emparant avec habileté de l’enthousiasme des François pour la gloire militaire, associa leur amour-propre à ses victoires comme à ses défaites. Il prit par degrés la place que tenoit la révolution dans toutes les têtes, et reporta sur son nom seul tout le sentiment national qui avoit grandi la France aux yeux des étrangers.

Deux de ses frères, Lucien et Joseph, siégeoient au conseil des cinq-cents, et tous les deux, dans des genres différens, avoient assez d’esprit et de talens pour être éminemment utiles au général. Ils veilloient pour lui sur l’état des affaires, et, quand le moment fut venu, ils lui conseillèrent de revenir en France. Les armées étoient alors battues en Italie, et, pour la plupart, désorganisées par les fautes de l’administration. Les jacobins commençoient à se remontrer, le directoire étoit sans considération et sans force : Bonaparte reçut toutes ces nouvelles en Égypte ; et, après s’être enfermé quelques heures pour les méditer, il se résolut