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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

nette pour rétablir l’ordre ; les cris de traître et d’usurpateur se faisoient entendre de toutes parts ; et l’un des députés, compatriote de Bonaparte, le Corse Aréna, s’approcha de ce général et le secoua fortement par le collet de son habit. On a supposé, mais sans fondement, qu’il avoit un poignard pour le tuer. Son action cependant effraya Bonaparte, et il dit aux grenadiers qui étoient à côté de lui, en laissant tomber sa tête sur l’épaule de l’un d’eux : Tirez-moi d’ici. Les grenadiers l’enlevèrent du milieu des députés qui l’entouroient, ils le portèrent hors de la salle en plein air ; et, dès qu’il y fut, sa présence d’esprit lui revint. Il monta à cheval à l’instant même ; et, parcourant les rangs de ses grenadiers, il les détermina bientôt à ce qu’il vouloit d’eux.

Dans cette circonstance, comme dans beaucoup d’autres, on a remarqué que Bonaparte pouvoit se troubler quand un autre danger que celui de la guerre étoit en face de lui, et quelques personnes en ont conclu bien ridiculement qu’il manquoit de courage. Certes on ne peut nier son audace ; mais, comme il n’est rien, pas même brave, d’une façon généreuse, il s’ensuit qu’il ne s’expose jamais que quand cela peut être utile. Il seroit très-fâché