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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

comme il ne tient à aucune idée, et qu’il n’est arrêté par aucun obstacle, il se présente dans l’arène des circonstances en athlète aussi souple que vigoureux, et son premier coup d’œil lui fait connaître ce qui, dans chaque personne, ou dans chaque association d’hommes, peut servir à ses desseins personnels. Son plan, pour parvenir à dominer la France, se fonda sur trois bases principales : contenter les intérêts des hommes aux dépens de leurs vertus, dépraver l’opinion par des sophismes, et donner à la nation pour but la guerre au lieu de la liberté. Nous le verrons suivre ces diverses routes avec une rare habileté. Les François, hélas ! ne l’ont que trop bien secondé ; néanmoins, c’est à son funeste génie surtout qu’il faut s’en prendre ; car, les gouvernemens arbitraires ayant empêché de tout temps que cette nation n’eût des idées fixes sur aucun sujet, Bonaparte a fait mouvoir ses passions sans avoir à lutter contre ses principes. Il pouvoit dès lors honorer la France, et s’affermir lui-même par des institutions respectables ; mais le mépris de l’espèce humaine a tout desséché dans son âme, et il a cru qu’il n’existoit de profondeur que dans la région du mal.

Nous avons déjà vu que le général Bonaparte