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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

premier consul s’étoit réservé la faculté de disposer, sous un prétexte quelconque, du sort de tous et de chacun. Cet état inouï de dépendance excuse à beaucoup d’égards la nation. Peut-on, en effet, s’attendre à l’héroïsme universel ? et ne faut-il pas de l’héroïsme, pour s’exposer à la ruine et au bannissement qui pesoient sur toutes les têtes par l’application d’un décret quelconque ? Un concours unique de circonstances mettoit à la disposition d’un homme les lois de la terreur, et la force militaire créée par l’enthousiasme républicain. Quel héritage pour un habile despote !

Ceux, parmi les François, qui cherchoient à résister au pouvoir toujours croissant du premier consul, devoient invoquer la liberté pour lutter avec succès contre lui. Mais à ce mot, les aristocrates et les ennemis de la révolution crioient au jacobinisme, et secondoient ainsi la tyrannie, dont ils ont voulu depuis faire retomber le blâme sur leurs adversaires.

Pour calmer les jacobins, qui ne s’étoient pas encore tous ralliés à cette cour, dont ils ne comprenoient pas bien le sens, on répandoit des brochures dans lesquelles on disoit que l’on ne devoit pas craindre que Bonaparte voulut ressembler à César, à Cromwell ou à Monk ; rôles