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CONSIDÉRATIONS

« Nous désirons que notre lettre soit consignée dans les registres de la république, pour être un monument durable de notre vénération pour votre respectable concitoyen. »

Hélas ! auroit-on prévu que tant d’admiration seroit suivie de tant d’injustice ; qu’on reprocheroit des sentimens d’étranger à celui qui a chéri la France avec une prédilection presque trop grande ; qu’un parti l’appelleroit l’auteur de la révolution, parce qu’il respectoit les droits de la nation, et que les meneurs de cette nation l’accuseroient d’avoir voulu la sacrifier au maintien de la monarchie ? Ainsi dans d’autres temps, je me plais à le répéter, le chancelier de l’Hôpital étoit menacé par les catholiques et les protestans tour à tour ; ainsi, l’on auroit vu Sully succomber sous les haines de parti, si la fermeté de son maître ne l’avoit soutenu. Mais aucun de ces deux hommes d’état n’avoit cette imagination du cœur qui rend accessible à tous les genres de peine. M. Necker étoit calme devant Dieu, calme aux approches de la mort, parce que la conscience seule parle dans cet instant. Mais, lorsque les intérêts de ce monde l’occupoient encore, il n’est pas un reproche qui ne l’ait blessé, pas un ennemi dont la malveillance ne l’ait atteint, pas un jour pen-