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CONSIDÉRATIONS

miers devoirs d’un citoyen sont toujours envers sa patrie.

Jamais homme n’a su multiplier les liens de la dépendance plus habilement que Bonaparte. Il connaissoit mieux que personne les grands et les petits moyens du despotisme ; on le voyoit s’occuper avec persévérance de la toilette des femmes, afin que leurs époux, ruinés par leurs dépenses, fussent plus souvent obligés de recourir à lui. Il vouloit aussi frapper l’imagination des François par la pompe de sa cour. Le vieux soldat qui fumoit à la porte de Frédéric II suffisoit pour le faire respecter de toute l’Europe. Certainement Bonaparte avoit assez de talens militaires pour obtenir le même résultat par les mêmes moyens ; mais il ne lui suffisoit pas d’être le maître, il vouloit encore être le tyran ; et, pour opprimer l’Europe et la France, il falloit avoir recours à tous les moyens qui avilissent l’espèce humaine : aussi, le malheureux n’y a-t-il que trop bien réussi !

La balance des motifs humains pour faire le bien ou le mal est d’ordinaire en équilibre dans la vie, et c’est la conscience qui décide. Mais quand, sous Bonaparte, un milliard de revenus, et huit cent mille hommes armés, pesoient en faveur des mauvaises actions, quand l’épée