Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
341
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

jours lui, dont il falloit se récréer, en échange de tous les biens de ce monde.

Les Italiens, par l’espoir confus d’être enfin réunis en un seul état, les infortunés Polonais qui demandent à l’enfer aussi bien qu’au ciel de redevenir une nation, étoient les seuls qui servissent volontairement l’empereur. Mais il avoit tellement en horreur l’amour de la liberté, que, bien qu’il eût besoin des Polonais pour auxiliaires, il haïssoit en eux le noble enthousiasme qui les condamnoit à lui obéir. Cet homme, si habile dans l’art de dissimuler, ne pouvoit se servir même avec hypocrisie des sentimens patriotiques dont il auroit pu tirer toutefois tant de ressources : c’étoit une arme qu’il ne savoit pas manier, et toujours il craignoit qu’elle n’éclatât dans sa main. À Posen, les députés polonais vinrent lui offrir leur fortune et leur vie pour rétablir la Pologne. Napoléon leur répondit, avec cette voix sombre et cette déclamation précipitée qu’on a remarquées en lui quand il se contraignoit, quelques paroles de liberté bien ou mal rédigées, mais qui lui coûtoient tellement, que c’étoit le seul mensonge qu’il ne pût prononcer avec son apparente bonhomie. Lors même que les applaudissemens du peuple étoient en sa faveur, le