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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

liberté fût anéantie, mais que les titres, les biens et les emplois des révolutionnaires fussent consacrés. Bonaparte disoit un jour, en parlant de J. J. Rousseau : C’est pourtant lui qui a été cause de la révolution. Au reste, je ne dois pas m’en plaindre, car j’y ai attrapé le trône. C’étoit ce langage qui devoit servir de texte aux écrivains, pour saper sans relâche les lois constitutionnelles, et les droits imprescriptibles sur lesquels ces lois sont fondées, mais pour exalter le conquérant despote que les orages de la révolution avoient produit, et qui les avoit calmés. S’agissoit-il de la religion, Bonaparte faisoit mettre sérieusement dans ses proclamations que les François doivent se défier des Anglois, parce qu’ils étoient des hérétiques ; mais vouloit-il justifier les persécutions que subissoit le plus vénérable et le plus modéré des chefs de l’Église, le pape Pie VII, il l’accusoit de fanatisme. La consigne étoit de dénoncer, comme partisan de l’anarchie, quiconque émettait une opinion philosophique en aucun genre : mais, si quelqu’un, parmi les nobles, sembloit insinuer que les anciens princes s’entendoient mieux que les nouveaux à la dignité des cours, on ne manquoit pas de le signaler comme un conspirateur. Enfin, il falloit