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CONSIDÉRATIONS

Moscou, pour chercher un asile en Angleterre. Le libraire Palm a été fusillé en Allemagne, pour n’avoir pas voulu nommer l’auteur d’une brochure qu’il avoit imprimée. Et si des exemples plus nombreux encore de proscriptions ne peuvent être cités, c’est que le despotisme étoit si fortement mis en exécution, qu’on avoit fini par s’y soumettre, comme aux terribles lois de la nature, la maladie et la mort. Ce n’est pas seulement à des rigueurs sans fin qu’on s’exposoit sous une tyrannie aussi persévérante, mais on ne pouvoit jouir d’aucune gloire littéraire dans son pays, quand les journaux aussi multipliés que sous un gouvernement libre, et néanmoins soumis tous au même langage, vous harceloient de leurs plaisanteries de commande. J’ai fourni, pour ma part, des refrains continuels aux journalistes françois depuis quinze ans ; la mélancolie du Nord, la perfectibilité de l’espèce humaine, les muses romantiques, les muses germaniques. Le joug de l’autorité et l’esprit d’imitation étoient imposés à la littérature, comme le journal officiel dictoit les articles de foi en politique. Un bon instinct de despotisme faisoit sentir aux agens de la police littéraire, que l’originalité dans la manière d’écrire peut conduire à l’indépendance du caractère,