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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

et qu’il faut bien se garder de laisser introduire à Paris les livres des Anglois et des Allemands, si l’on ne veut pas que les écrivains françois, tout en respectant les règles du goût, suivent les progrès de l’esprit humain dans les pays où les troubles civils n’en ont pas ralenti la marche.

Enfin, de toutes les douleurs que l’esclavage de la presse fait éprouver, la plus amère, c’est de voir insulter dans les feuilles publiques ce qu’on a de plus cher, ce qu’on respecte le plus, sans qu’il soit possible de faire admettre une réponse dans ces mêmes gazettes, qui sont nécessairement plus populaires que les livres. Quelle lâcheté dans ceux qui insultent les tombeaux, quand les amis des morts ne peuvent en prendre la défense ! Quelle lâcheté dans ces folliculaires qui attaquoient aussi les vivans avec l’autorité derrière eux, et servoient d’avant-garde à toutes les proscriptions que le pouvoir absolu prodigue, dès qu’on lui suggère le moindre soupçon ! Quel style que celui qui porte le cachet de la police ! À côté de cette arrogance, à côté de cette bassesse, quand on lisoit quelques discours des Américains ou des Anglois, des hommes publics enfin qui ne cherchent, en s’adressant aux autres hommes,