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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

revient sans cesse à la nécessité d’une organisation militaire purement nationale : et, s’il a souillé sa vie par son indulgence pour les crimes des Borgia, c’est peut-être parce qu’il s’abandonnoit trop au besoin de tout tenter pour recouvrer l’indépendance de sa patrie. Bonaparte n’a sûrement pas examiné le Prince de Machiavel sous ce point de vue ; mais il y a cherché ce qui passe encore pour de la profondeur parmi les âmes vulgaires : l’art de tromper les hommes. Cette politique doit tomber à mesure que les lumières s’étendront ; ainsi la croyance à la sorcellerie n’existe plus, depuis qu’on a découvert les véritables lois de la physique.

Un principe général, quel qu’il fût, déplaisoit à Bonaparte, comme une niaiserie ou comme un ennemi. Il n’écoutoit que les considérations du moment, et n’examinoit les choses que sous le rapport de leur utilité immédiate, car il auroit voulu mettre le monde entier en rente viagère sur sa tête. Il n’étoit point sanguinaire, mais indifférent à la vie des hommes. Il ne la considéroit que comme un moyen d’arriver à son but, ou comme un obstacle à écarter de sa route. Il n’étoit pas même aussi colère qu’il a souvent paru l’être : il vouloit effrayer avec ses paroles, afin de s’épargner