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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

italien, il réunissoit la dignité d’une nation à la vivacité de l’autre ; et je ne sais si l’on pourroit citer, même en France, un homme plus remarquable par sa conversation, et par le talent plus important et plus nécessaire de connoître et de juger tous ceux qui jouoient un rôle politique en Europe. Le premier consul fut obligé de l’employer, parce qu’il jouissoit du plus grand crédit parmi ses concitoyens, et que son attachement à sa patrie n’étoit mis en doute par personne. Bonaparte n’aimoit point à se servir d’hommes qui fussent désintéressés, et qui eussent des principes quelconques inébranlables ; aussi tournoit-il sans cesse autour de Melzi pour le corrompre.

Après s’être fait couronner roi d’Italie, en 1805, Bonaparte se rendit au corps législatif de Lombardie, et dit à l’assemblée qu’il vouloit donner une terre considérable au duc de Melzi, pour acquitter la reconnoissance publique envers lui : il espéroit ainsi le dépopulariser. Me trouvant alors à Milan, je vis le soir M. de Melzi, qui étoit vraiment au désespoir du tour perflde que Napoléon lui avoit joué, sans l’en prévenir en aucune manière ; et, comme Bonaparte se seroit irrité d’un refus, je conseillai à M. de Melzi de consacrer tout