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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

pourroit-on y créer un gouvernement représentatif ? La classe intermédiaire entre les boyards et le peuple manque presque entièrement. On pourroit augmenter l’existence politique des grands seigneurs, et défaire, à cet égard, l’ouvrage de Pierre Ier ; mais ce seroit reculer au lieu d’avancer ; car le pouvoir de l’empereur, tout absolu qu’il est encore, est une amélioration sociale, en comparaison de ce qu’étoit jadis l’aristocratie russe. La Russie, sous le rapport de la civilisation, n’en est qu’à cette époque de l’histoire, où, pour le bien des nations, il falloit limiter le pouvoir des privilégiés par celui de la couronne. Trente-six religions, en y comprenant les cultes païens, trente-six peuples divers sont, non pas réunis, mais épars sur un terrain immense. D’une part, le culte grec s’accorde avec une tolérance parfaite, et de l’autre, le vaste espace qu’occupent les hommes leur laisse la liberté de vivre chacun selon ses mœurs. Il n’y a point encore dans cet ordre de choses, des lumières qu’on puisse concentrer, des individus qui puissent faire marcher des institutions. Le seul lien qui unisse des peuples presque nomades, et dont les maisons ressemblent à des tentes de bois établies dans la plaine, c’est le respect pour le