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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

départ pour l’armée, au mois de janvier 1814, quand les alliés étoient déjà entrés en France, Bonaparte avoua, dans cet entretien secret, qu’il n’avoit pas de moyen de résister. Son interlocuteur discuta la question ; Bonaparte lui en présenta le mauvais côté dans tout son jour, et puis, chose inouïe, il s’endormoit en parlant sur un tel sujet, sans qu’aucune fatigue précédente expliquât cette bizarre apathie. Il n’en a pas moins déployé depuis une extrême activité dans sa campagne de 1814 ; il s’est laissé sans doute reprendre aussi par une confiance présomptueuse ; d’un autre côté, l’existence physique, à force de jouissances et de facilités, s’étoit emparée de cet homme autrefois si dominé par sa pensée. Il étoit, pour ainsi dire, épaissi d’âme comme de corps ; son génie ne perçoit plus que par momens cette enveloppe d’égoïsme qu’une longue habitude d’être compté pour tout lui avoit donnée. Il a succombé sous le poids de la prospérité, avant d’être renversé par l’infortune.

On prétend qu’il n’a pas voulu céder les conquêtes qui avoient été faites par la république, et qu’il n’a pu se résoudre à ce que la France fût affaiblie sous son règne. Si cette considération l’a déterminé à refuser la paix qui lui fut