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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

donc à Manuel que j’écrivis pour lui demander une audience. Il me l’assigna pour le lendemain, chez lui, à sept heures du matin ; c’étoit une heure un peu démocratique, mais certes j’y fus exacte. J’arrivai avant qu’il fût levé, je l’attendis dans son cabinet, et je vis son portrait, à lui-même, placé sur son propre bureau ; cela me fit espérer que, du moins, il étoit un peu prenable par la vanité. Il entra, et je dois lui rendre la justice que ce fut par les bons sentimens que je parvins à l’ébranler.

Je lui peignis les vicissitudes effrayantes de la popularité, dont on pouvoit lui citer des exemples chaque jour. « Dans six mois, lui dis-je, vous n’aurez peut-être plus de pouvoir (avant six mois il périt sur l’échafaud). Sauvez M. de Lally et M. de Jaucourt ; réservez-vous un souvenir doux et consolant pour l’époque où vous serez peut être proscrit à votre tour. » Manuel étoit un homme remuable, entraîné par ses passions, mais capable de mouvemens honnêtes ; car c’est pour avoir défendu le roi qu’il fut condamné à mort. Il m’écrivit, le 1er  septembre, que M. de Condorcet avoit obtenu la liberté de M. de Lally, et qu’à ma prière il venoit de faire