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CONSIDÉRATIONS

dée par Robespierre, et je respirai, parce que j’échappois à la populace : quel protecteur cependant que Robespierre ! Collot-d’Herbois et Billaud-Varennes lui servoient de secrétaires, et ce dernier avoit conservé sa barbe depuis quinze jours, pour se mettre plus sûrement à l’abri de tout soupçon d’aristocratie. La salle étoit comble de gens du peuple ; les femmes, les enfans, les hommes crioient de toutes leurs forces : Vive la nation ! Le bureau de la commune, étant un peu élevé, permettoit à ceux qui s’y trouvoient placés de se parler. On m’y avoit fait asseoir ; et, pendant que je reprenois mes sens, le bailli de Virieu, envoyé de Parme, qui avoit été arrêté en même temps que moi, se leva pour déclarer qu’il ne me connaissoit pas ; que mon affaire, quelle qu’elle fût, n’avoit aucun rapport avec la sienne, et qu’on ne devoit pas nous confondre ensemble. Le manque de chevalerie du pauvre homme me déplut, et cela m’inspira un désir d’autant plus vif de m’être utile à moi-même, puisqu’il ne paraissoit pas que le bailli de Virieu eût envie de m’en épargner le soin. Je me levai donc, et je représentai le droit que j’avois de partir, comme ambassadrice de Suède, et les passe-ports qu’on m’avoit donnés en conséquence de ce droit.