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CORINNE OU L’ITALIE

Corinne m’a regardé froidement d’une manière qui m’a tout à fait troublé. C’est pourtant singulier d’être timide avec une Italienne, un artiste, un poëte, enfin tout ce qui doit mettre à l’aise. — Son nom est inconnu, reprit lord Nelvil ; mais ses manières doivent le faire croire illustre. — Ah ! c’est dans les romans, dit le comte d’Erfeuil, qu’il est d’usage de cacher le plus beau ; mais dans le monde réel on dit tout ce qui nous fait honneur, et même un peu plus que tout. — Oui, interrompit Oswald, dans quelques sociétés où l’on ne songe qu’à l’effet que l’on produit les uns sur les autres ; mais là où l’existence est intérieure il peut y avoir des mystères dans les circonstances, comme il y a des secrets dans les sentimens ; et celui-là seulement qui voudrait épouser Corinne pourrait savoir… — Epouser Corinne, interrompit le comte d’Erfeuil, en riant aux éclats, oh, cette idée-là ne me serait jamais venue ! Croyez-moi, mon cher Nelvil, si vous voulez faire des sottises, faites-en qui soient réparables ; mais pour le mariage il ne faut jamais consulter que les convenances. Je vous parais frivole ; hé bien, néanmoins je parie que dans la conduite de la vie je serai plus raisonnable que vous. — Je le crois aussi, répondit lord Nelvil ; et il n’ajouta pas un mot de plus.