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CORINNE OU L’ITALIE

rieur de l’édifice. Crescentius, Arnault De Brescia, Nicolas Rienzi[1], ces amis de la liberté romaine, qui ont pris si souvent les souvenirs pour des espérances, se sont défendus long-temps dans le tombeau d’un empereur. J’aime ces pierres qui s’unissent à tant de faits illustres. J’aime ce luxe du maître du monde, un magnifique tombeau. Il y a quelque chose de grand dans l’homme qui, possesseur de toutes les jouissances et de toutes les pompes terrestres, ne craint pas de s’occuper long-temps d’avance de sa mort. Des idées morales, des sentimens désintéressés remplissent l’ame, dès qu’elle sort de quelque manière des bornes de la vie.

C’est d’ici, continua Corinne, que l’on devrait apercevoir St.-Pierre, et c’est jusques ici que les colonnes qui le précèdent devaient s’étendre ; tel était le superbe plan de Michel-Ange, il espérait du moins qu’on l’achèverait après lui ; mais les hommes de notre temps ne pensent plus à la postérité. Quand une fois on a tourné l’enthousiasme en ridicule, on a tout défait, excepté l’argent et le pouvoir. — C’est vous qui ferez renaître ce sentiment, s’écria lord Nelvil. Qui jamais éprouva le bonheur que je goûte ? Rome montrée par vous, Rome interprétée par l’imagination et le génie, Rome, qui est un

  1. Ces faits se trouvent dans l’Histoire des républiques italiennes du moyen âge, par M. Simonde, Génevois. Cette histoire sera certainement considérée comme une autorité ; car l’on voit, en la lisant, que son auteur est un homme d’une sagacité profonde, aussi consciencieux qu’énergique dans sa manière de raconter et de peindre.