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CORINNE OU L’ITALIE

notre Ossian ne place à côté de la tombe que les regrets et les chants funèbres. Ici vous voulez oublier et jouir, je ne sais si je désirerais que votre beau ciel me fît ce genre de bien. — Ne croyez pas, cependant, reprit Corinne, que notre caractère soit léger et notre esprit frivole Il n’y a que la vanité qui rende frivole ; l’indolence peut mettre quelques intervalles de sommeil ou d’oubli dans la vie, mais elle n’use ni ne flétrit le cœur ; et malheureusement pour nous on peut sortir de cet état par des passions plus profondes et plus terribles que celles des ames habituellement actives. —

En achevant ces mots, Corinne et lord Nelvil s’approchaient de la porte de l’église. — Encore un dernier coup d’œil vers ce sanctuaire immense, dit-elle à lord Nelvil. Voyez comme l’homme est peu de chose en présence de la religion, alors même que nous sommes réduits à ne considérer que son emblème matériel ! voyez quelle immobilité, quelle durée les mortels peuvent donner à leurs œuvres, tandis qu’eux-mêmes ils passent si rapidement, et ne se survivent que par le génie ! Ce temple est une image de l’infini ; il n’y a point de terme aux sentimens qu’il fait naître, aux idées qu’il retrace, a l’immense quantité d’années qu’il rappelle à la réflexion, soit dans le passé,