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CORINNE OU L’ITALIE

fice, dont les pierres seules dépouillées de l’or et des marbres subsistent encore, servit d’arène aux gladiateurs combattant contre les bêtes féroces. C’est ainsi qu’on amusait et trompait le peuple romain par des émotions fortes, alors que les sentimens naturels ne pouvaient plus avoir d’essor. L’on entrait par deux portes dans le Colisée, l’une qui était consacrée aux vainqueurs, l’autre par laquelle on emportait les morts.[1] Singulier mépris pour l’espèce humaine, que de destiner d’avance la mort ou la vie de l’homme au simple passe-temps d’un spectacle ! Titus, le meilleur des empereurs, dédia ce Colisée au peuple romain ; et ces admirables ruines portent avec elles un si beau caractère de magnificence et de génie, qu’on est tenté de se faire illusion sur la véritable grandeur, et d’accorder aux chefs-d’œuvre de l’art l’admiration qui n’est due qu’aux monumens consacrés à des institutions généreuses.

Oswald ne se laissait point aller à l’admiration qu’éprouvait Corinne ; en contemplant ces quatre galeries, ces quatre édifices, s’élevant les uns sur les autres, ce mélange de pompe et de vétusté,

  1. Sana vivaria, sandapilaria.