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CORINNE OU L’ITALIE


CHAPITRE VI


CORINNE se flattait en secret d’avoir captivé le cœur d’Oswald mais comme elle connaissait sa réserve et sa sévérité, elle n’avait point osé lui montrer tout l’intérêt qu’il lui inspirait, quoiqu’elle fut disposée, par caractère, à ne point cacher ce qu’elle éprouvait. Peut-être aussi croyait-elle que, même en se parlant sur des sujets étrangers à leur sentiment, leur voix avait un accent qui trahissait leur affection mutuelle, et qu’un aveu secret d’amour était peint dans leurs regards et dans ce langage mélancolique et voilé qui pénètre si profondément dans l’ame.

Un matin, lorsque Corinne se préparait à continuer ses courses avec Oswald, elle reçut un billet de lui, presque cérémonieux, qui lui annonçait que le mauvais état de sa santé le retenait chez lui pour quelques jours. Une inquiétude douloureuse serra le cœur de Corinne : d’abord elle craignit qu’il ne fût dangereusement malade ; mais le comte d’Erfeuil, qu’elle vit le soir, lui dit que c’était un de ces accès de mélancolie auxquels il était très-sujet, et pendant lesquels il ne voulait