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CORINNE OU L’ITALIE

fait retourner Annibal sur ses pas ; la fontaine d’Egerie, où Numa allait consulter la divinité des hommes de bien, la conscience interrogée dans la solitude. Il semble qu’autour de ces tombeaux les traces seules des vertus subsistent encore. Aucun monument des siècles du crime ne se trouve à côté des lieux où reposent ces illustres morts ; ils se sont entourés d’un honorable espace, ou les plus nobles souvenirs peuvent régner sans être troublés.

L’aspect de la campagne autour de Rome a quelque chose de singulièrement remarquable : sans doute c’est un désert, car il n’y a point d’arbres ni d’habitations ; mais la terre est couverte de plantes naturelles que l’énergie de la végétation renouvelle sans cesse. Ces plantes parasites se glissent dans les tombeaux, décorent les ruines, et semblent là seulement pour honorer les morts. On dirait que l’orgueilleuse nature a repoussé tous les travaux de l’homme, depuis que les Cincinnatus ne conduisent plus la charrue qui sillonnait son sein ; elle produit des plantes au hasard, sans permettre que les vivans se servent de sa richesse. Ces plaines incultes doivent déplaire aux agriculteurs, aux administrateurs, a tous ceux qui spéculent sur la terre et veulent l’exploiter pour les besoins de