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CORINNE OU L’ITALIE.

l’homme ; mais les ames rêveuses, que la mort occupe autant que la vie, se plaisent à contempler cette campagne de Rome où le temps présent n’a imprimé aucune trace ; cette terre qui chérit ses morts, et les couvre avec amour des inutiles fleurs, des inutiles plantes qui se traînent sur le sol, et ne s’élèvent jamais assez pour se séparer des cendres qu’elles ont l’air de caresser.

Oswald convint que dans ce lieu l’on devait goûter plus de calme que partout ailleurs. L’ame n’y souffre pas autant par les images que la douleur lui représente ; il semble que l’on partage encore avec ceux qui ne sont plus les charmes de cet air, de ce soleil et de cette verdure. Corinne observa l’impression que recevait lord Nelvil, et elle en conçut quelque espérance : elle ne se flattait point de consoler Oswald ; elle n’eût pas même souhaité d’effacer de son cœur les justes regrets qu’il devait à la perte de son père ; mais il y a dans le sentiment même des regrets quelque chose de doux et d’harmonieux qu’il faut tâcher de faire connaître à ceux qui n’en ont encore éprouvé que les amertumes, c’est le seul bien qu’on puisse leur faire.

— Arrêtons-nous ici, dit Corinne, en face de ce tombeau, le seul qui reste encore presqu’en