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CORINNE OU L’ITALIE

teurs qu’elles offrent aux regards. Corinne connaissait si bien toutes les attitudes que représentent les peintres et les sculpteurs antiques, que, par un léger mouvement de ses bras, en plaçant son tambour de basque tantôt au-dessus de sa tête, tantôt en avant avec une de ses mains, tandis que l’autre parcourait les grelots avec une incroyable dextérité, elle rappelait les danseuses d’Herculanum, et faisait naître successivement une foule d’idées nouvelles pour le dessein et la peinture.

Ce n’était point la danse française, si remarquable par l’élégance et la difficulté des pas ; c’était un talent qui tenait de beaucoup plus près à l’imagination et au sentiment. Le caractère de la musique était exprimé tour à tour par la précision et la mollesse des mouvemens. Corinne, en dansant, faisait passer dans l’ame des spectateurs ce qu’elle éprouvait, comme si elle avait improvisé, comme si elle avait joué de la lyre ou dessiné quelques figures ; tout était langage pour elle : les musiciens, en la regardant, s’animaient à mieux faire sentir le génie de leur art ; et je ne sais quelle joie passionnée, quelle sensibilité d’imagination électrisait à la fois tous les témoins de cette danse magique, et les transportait dans une exis-