Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
CORINNE OU L’ITALIE

excepté lord Nelvil qui se retira de quelques pas en arrière, et le comte d’Erfeuil qui fit quelques pas en avant, pour complimenter Corinne. Quant aux Italiens qui étaient là, ils ne pensaient point à faire effet par leur enthousiasme ; ils s’y livraient, parce qu’ils l’éprouvaient. Ce ne sont pas des hommes assez habitués à la société, et à l’amour propre qu’elle excite, pour s’occuper de l’effet qu’ils produisent ; ils ne se laissent jamais détourner de leur plaisir par la vanité, ni de leur but par la route.

Corinne était charmée de son succès, et remerciait tout le monde avec une grâce pleine de simplicité. Elle était contente d’avoir réussi, et le laissait voir en bonne enfant, si l’on peut s’exprimer ainsi ; mais ce qui l’occupait surtout, c’était le désir de traverser la foule pour arriver jusqu’à la porte contre laquelle Oswald était appuyé. Elle y arriva enfin, et s’arrêta un moment pour attendre un mot de lui. — Corinne, lui dit-il, en s’efforçant de cacher son trouble, son enchantement et sa peine ; Corinne, voilà bien des hommages, voilà bien des succès ! Mais au milieu de ces adorateurs si enthousiastes, y a-t-il un ami courageux et sûr ? y a-t-il un protecteur pour la vie ? et le vain tumulte des applaudissemens devrait-il suffire à une ame telle que la vôtre ? —