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CORINNE OU L’ITALIE

d’esprit avant celle du cœur ou des yeux ; les commencemens les plus rapides sont suivis quelquefois par un sincère dévouement, et même une très-longue constance. L’infidélité est en Italie blâmée plus sévèrement dans un homme que dans une femme. Trois ou quatre hommes, sous des titres différens, suivent la même femme, qui les mène avec elle, sans se donner quelquefois même la peine de dire leur nom au maître de la maison qui les reçoit ; l’un est le préféré, l’autre celui qui aspire à l’être, un troisième s’appelle le souffrant (il patito) ; celui-là est tout-à-fait dédaigné, mais on lui permet cependant de faire le service d’adorateur ; et tous ces rivaux vivent paisiblement ensemble. Les gens du peuple seuls ont encore conservé la coutume des coups de poignard. Il y a dans ce pays un bizarre mélange de simplicité et de corruption, de dissimulation et de vérité, de bonhomie et de vengeance, de faiblesse et de force, qui s’explique par une observation constante ; c’est que les bonnes qualités viennent de ce qu’on n’y fait rien pour la vanité, et les mauvaises, de ce qu’on y fait beaucoup pour l’intérêt, soit que cet intérêt tienne a l’amour, a l’ambition ou à la fortune.

Les distinctions de rang font en général peu d’effet en Italie ; ce n’est point par philosophie,