Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
CORINNE OU L’ITALIE

mais par facilité de caractère et familiarité de mœurs, qu’on y est peu susceptible des préjugés aristocratiques ; et comme la société ne s’y constitue juge de rien, elle admet tout.

Après le souper, chacun se mit au jeu, quelques femmes aux jeux de hasard, d’autres au whist le plus silencieux ; et pas un mot n’était prononcé dans cette chambre naguères si bruyante. Les peuples du midi passent souvent de la plus grande agitation au plus profond repos ; c’est encore un des contrastes de leur caractère, que la paresse, unie à l’activité la plus infatigable ; ce sont en tout des hommes qu’il faut se garder de juger au premier coup-d’œil : car les qualités, comme les défauts les plus opposés, se trouvent en eux ; si vous les voyez prudens dans tel instant, il se peut que, dans un autre, ils se montrent les plus audacieux des hommes ; s’ils sont indolens, c’est peut-être qu’ils se reposent d’avoir agi, ou se préparent pour agir encore ; enfin, ils ne perdent aucune force de l’ame dans la société, et toutes s’amassent en eux pour les circonstances décisives.

Dans cette assemblée de Rome, où se trouvaient Oswald et Corinne, il y avait des hommes qui perdaient des sommes énormes au jeu, sans qu’on pût l’apercevoir le moins du monde sur