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CORINNE OU L’ITALIE

leur physionomie : ces mêmes hommes auraient eu l’expression la plus vive et les gestes les plus animés, s’ils avaient raconté quelques faits de peu d’importance. Mais quand les passions arrivent à un certain degré de violence, elles craignent les témoins, et se voilent presque toujours par le silence et l’immobilité.

Lord Nelvil avait conservé un ressentiment amer de la scène du bal ; il croyait que les Italiens et leur manière animée d’exprimer l’enthousiasme, avaient détourné de lui, du moins pour un moment, l’intérêt de Corinne. Il en était très-malheureux ; mais sa fierté lui conseillait de le cacher, ou de le témoigner seulement en montrant du dédain pour les suffrages qui flattaient sa brillante amie. On lui proposa de jouer, il le refusa ; Corinne aussi ; et elle lui fit signe de venir s’asseoir à côté d’elle. Oswald était inquiet de compromettre Corinne, en passant ainsi la soirée seule avec elle en présence de tout le monde. — Soyez tranquille, lui dit-elle, personne ne s’occupera de nous ; c’est l’usage ici de ne faire en société que ce qui plaît ; il n’y a pas une convenance établie, pas un égard exigé, une politesse bienveillante suffit ; personne ne veut que l’on se gêne les uns pour les autres. Ce n’est sûrement pas un pays où la liberté sub-