Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
CORINNE OU L’ITALIE

femmes n’en auraient en parlant de leur époux. Aucun sentiment profond ni délicat ne se mêle, on le croit aisément, à cette mobilité sans pudeur. Aussi, dans cette nation où l’on ne pense qu’à l’amour, il n’y a pas un seul roman, parce que l’amour y est si rapide, si public, qu’il ne prête à aucun genre de développemens, et que, pour peindre véritablement les mœurs générales à cet égard, il faudrait commencer et finir dans la première page. Pardon, Corinne, s’écria lord Nelvil, en remarquant la peine qu’il lui faisait éprouver, vous êtes Italienne, cette idée devrait me désarmer. Mais l’une des causes de votre grâce incomparable, c’est la réunion de tous les charmes qui caractérisent les différentes nations. Je ne sais dans quel pays vous avez été élevée ; mais certainement vous n’avez pas passé toute votre vie en Italie : peut-être est-ce en Angleterre même… Ah ! Corinne, si cela était vrai, comment auriez-vous pu quitter ce sanctuaire de la pudeur et de la délicatesse pour venir ici, où non-seulement la vertu, mais l’amour même est si mal connu ? On le respire dans l’air ; mais pénètre-t-il dans le cœur ? Les poésies, dans lesquelles l’amour joue un si grand rôle, ont beaucoup de grâce, beaucoup d’imagination ; elles sont ornées par des tableaux