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CORINNE OU L’ITALIE

penchant à la flatterie ; mais il faut aussi convenir que la plupart du temps, ce n’est point par calcul, mais seulement par désir de plaire qu’ils prodiguent leurs douces expressions, inspirées par une obligeance véritable ; ces expressions ne sont point démenties par la conduite habituelle de la vie. Toutefois seraient-ils fidèles à l’amitié dans des circonstances extraordinaires, s’il fallait braver pour elle les périls et l’adversité ? Le petit nombre, j’en conviens, le très-petit nombre en serait capable ; mais ce n’est pas à l’Italie seulement que cette observation peut s’appliquer.

Les Italiens ont une paresse orientale dans l’habitude de la vie ; mais il n’y a point d’hommes plus persévérans ni plus actifs, quand une fois leurs passions sont excitées. Ces mêmes femmes aussi que vous voyez indolentes comme les Odalisques du sérail sont capables tout à-coup des actions les plus dévouées. Il y a des mystères dans le caractère et l’imagination des Italiens, et vous y rencontrez tour à tour des traits inattendus de générosité et d’amitié, ou des preuves sombres et redoutables de haine et de vengeance. Il n’y a ici d’émulation pour rien : la vie n’y est plus qu’un sommeil rêveur sous un beau ciel ; mais donnez à ces hommes un but, et vous les verrez en six