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CORINNE OU L’ITALIE

connaître. — Sa fortune, répondit vivement lord Nelvil, est tout-à-fait indépendante et son ame encore plus. — M. Edgermond finit à l’instant de parler sur Corinne, et se repentit de l’avoir nommée quand il vit que ce sujet intéressait Oswald. Les Anglais sont les hommes du monde qui ont le plus de discrétion et de ménagement dans tout ce qui tient aux affections véritables.

M. Edgermond s’en alla. Lord Nelvil resté seul ne put s’empêcher de s’écrier dans son émotion : — Il faut que j’épouse Corinne, il faut que je sois son protecteur, afin que personne désormais ne puisse la méconnaître. Je lui donnerai le peu que je puis donner, un rang, un nom, tandis qu’elle me comblera de toutes les félicités qu’elle seule peut accorder sur la terre. — Ce fut dans cette disposition qu’il se hâta d’aller chez Corinne, et jamais il n’y entra avec un plus doux sentiment d’espérance et d’amour ; mais par un mouvement naturel de timidité il commença la conversation, pour se rassurer lui-même, par des paroles insignifiantes, et de ce nombre fut la demande d’amener M. Edgermond chez elle. À ce nom, Corinne se troubla visiblement, et refusa d’une voix émue ce que désirait Oswald. Il en fut singulièrement étonné, et lui dit :