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CORINNE OU L’ITALIE

est une espèce de mort, puisqu’elle dépouille chacun de son existence naturelle. —

Ne voudriez-vous pas, belle étrangère, reprit le comte d’Erfeuil, que nous admissions chez nous la barbarie tudesque, les nuits d’Young des Anglais, les Concetti des Italiens et des Espagnols. Que deviendraient le goût, l’élégance du style français après un tel mélange ? — Le prince Castel-Forte, qui n’avait point encore parle, dit : — Il me semble que nous avons tous besoin les uns des autres ; la littérature de chaque pays découvre, à qui sait la connaître, une nouvelle sphère d’idées. C’est Charles-Quint, lui-même, qui a dit : qu’un homme qui sait quatre langues vaut quatre hommes. Si ce grand génie politique en jugeait ainsi pour les affaires, combien cela n’est-il pas plus vrai pour les lettres ? Les étrangers savent tous le français ; ainsi leur point de vue est plus étendu que celui des français qui ne savent pas les langues étrangères. Pourquoi ne se donnent-ils pas plus souvent la peine de les apprendre ? ils conserveraient ce qui les distingue, et découvriraient ainsi quelquefois ce qui peut leur manquer. —