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CORINNE OU L’ITALIE

la moquerie, c’est l’imagination ; ce n’est pas la peinture des mœurs, mais les exagérations poétiques. C’est l’Arioste et non pas Molière qui peut amuser l’Italie.

Gozzi, le rival de Goldoni, a bien plus d’originalité dans ses compositions, elles ressemblent bien moins à des comédies régulières. Il a pris son parti de se livrer franchement au génie italien, de représenter des contes de fées, de mêler les bouffonneries, les arlequinades, au merveilleux des poëmes ; de n’imiter en rien la nature, mais de se laisser aller aux fantaisies de la gaieté comme aux chimères de la féerie, et d’entraîner de toutes les manières l’esprit au-delà des bornes de ce qui se passe dans le monde. Il eut un succès prodigieux dans son temps, et peut-être est-il l’auteur comique dont le genre convient le mieux à l’imagination italienne ; mais pour savoir avec certitude quelles pourraient être la comédie et la tragédie en Italie, il faudrait qu’il y eut quelque part un théâtre et des acteurs. La multitude des petites villes, qui toutes veulent avoir un théâtre, perd en les dispersant le peu de ressources qu’on pourrait rassembler. La division des états, si favorable en général à la liberté et au bonheur, est nuisible à l’Italie. Il lui faudrait un centre de lumières