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CORINNE OU L’ITALIE

forçant de paraître calme, et Sénèque près de lui travaillant à l’apologie du meurtre d’Agrippine, la terreur n’eût-elle pas été mille fois plus grande ? et pour une réflexion énoncée par l’auteur, mille ne seraient-elles pas nées dans l’ame des spectateurs, par le silence même de la rhétorique et la vérité des tableaux ? —

Oswald aurait pu parler long-temps encore sans que Corinne l’eût interrompu ; elle se plaisait tellement et dans le son de sa voix, et dans la noble élégance de ses expressions, qu’elle eût voulu prolonger cette impression des heures entières. Ses regards fixés sur lui avaient peine à s’en détacher, lors même qu’il eut cessé de parler. Elle se tourna lentement vers le reste de la société, qui lui demandait avec impatience ce qu’elle pensait de la tragédie italienne, et revenant à lord Nelvil : — Mylord, dit-elle, je suis de votre avis presque sur tout, ce n’est donc pas pour vous combattre que je réponds, mais pour présenter quelques exceptions à vos observations peut-être trop générales. Il est vrai que Métastase est plutôt un poëte lyrique que dramatique, et qu’il peint l’amour comme l’un des beaux-arts qui embellissent la vie, et non comme le secret le plus intime de nos peines ou de notre bonheur. En général